Véronique Le Floc'h, présidente discrète et obstinée de la Coordination rurale

Productrice de lait bio, cette éleveuse du Finistère-Sud de 52 ans brigue un deuxième mandat de trois ans pour « consolider » la position de la Coordination rurale (CR) comme « acteur incontournable du monde agricole ».

Elle devra convaincre, face à un autre éleveur : Bernard Venteau, 46 ans, président de la chambre d'agriculture de la Haute-Vienne, a le soutien de sections du Sud-Ouest natal du syndicat, partisanes de la manière forte et ulcérées par la « notabilisation » du syndicat, rançon de la percée historique aux dernières élections agricoles.

Face à la violence de la contestation, qui est allée jusqu'à « des menaces de mort » envers le comité directeur sortant selon son secrétaire général Christian Convers, Véronique Le Floc'h fait le dos rond.

« Je ne fais pas deux mètres ni cent kilos », dit-elle à l'AFP. Le débat ne se fera pas sur le terrain des gros bras mais sur « le fond des dossiers ».

Sa silhouette mince et ses yeux clairs, vite embués quand elle évoque « la détresse des paysans », se sont imposés sur les plateaux des télévisions pendant les grandes manifestations d'agriculteurs des deux derniers hivers.

Si elle se perd parfois dans des explications techniques, elle désarme par sa simplicité et une empathie démonstrative dans un monde très masculin.

Après la percée historique de la CR, qui a obtenu près de 30 % des voix aux élections professionnelles (contre 20 % en 2019), elle loue « le travail collectif » ayant permis « cette victoire ».

« Juste milieu »

Elle puise depuis dans son mental « de sportive » - elle a été à 15 ans championne de France cadette de cyclisme - pour transformer l'essai des élections, « structurer » le syndicat et défendre une ligne « d'indépendance, de non-soumission à cette Europe qui ne convient pas (...), à la finance qu'on voit gros comme un camion ».

Un positionnement souverainiste qu'elle a défendu dans un livre co-signé avec l'essayiste Michel Onfray. Contre « l'écologie punitive », elle propose de « prendre des sous où il y en a », par exemple en supprimant l'Office français de la biodiversité.

Elle continue à plaider pour une ligne « apolitique », quand d'autres affichent leur proximité avec l'extrême droite.

Sa motivation ? « La génération à venir. Moi j'ai fini de payer mon bâtiment il y a deux ans. Je sais que le même bâtiment aujourd'hui, il vaut deux fois le prix. Je n'imagine pas installer mes enfants dans ces conditions. Ne pas me représenter, ça serait presque avoir renoncé. » Elle tire sa légitimité de son parcours : fille d'éleveurs laitiers bretons, ingénieure agronome formée à Beauvais (Oise) avant de partir au Canada où elle travaille pendant trois ans « dans la recherche en économie rurale ».

De retour en France, elle travaille 10 ans dans le secteur bancaire - et apprend ainsi « à décrypter les enjeux des filières agricoles » - avant de s'installer en 2007 à Elliant, dans le Finistère-Sud, avec son mari.

En 2013, elle prend la tête de l'organisation des producteurs de lait de la CR, puis en 2022 celle du syndicat.

Depuis trois ans, elle sillonne la France, dénonce « l'emprise des coopératives » sur les producteurs, le modèle ultralibéral « défendu par la FNSEA » et les « promesses non tenues du président Macron ».

Le rythme est dur - « pas de temps » de voir ses enfants - mais elle s'entête : elle ne supporte pas « les insultes » de ceux qui accusent la direction de déconnexion avec la base.

Elle cherche « le juste milieu » entre les enjeux locaux - et la volonté d'en découdre des départements les plus touchés par les crises sanitaires et climatiques - et « les enjeux nationaux et internationaux » - Politique agricole commune (PAC), accords de libre-échange... - pour que le syndicat « pèse dans le débat ».